HISTOIRES COURTES (24/12/24)
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6 heures, ce matin, je me réveille doucement devant ma tasse de café. J’entends au son calfeutré de l’extérieur qu’il a neigé pendant la nuit. Dans 48 heures Noël se pointera chargé de ses absents et de ses trop longues distances. Le jour encore fragile, je décide d’allumer ma nouvelle guirlande lumineuse. J’ai le choix entre huit positions différentes pour faire clignoter ou non ses petites diodes jaune pâle. Une de ces positions me semble bien convenir à ce réveil.
Je suis allée chercher le sapin dans la forêt et je l’ai mis dans un pot. J’espère qu’il reprendra lorsque j’irai le replanter.
J’allume donc l’interrupteur sur la multiprise – et à cet instant précis – une centaine de papillons jaune pâle s’échappent de la guirlande pour traverser la vitre du salon sans même que je l’ouvre.
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Je crois que mon Oxalis triangularis pourpre aime la neige. Avec sa tête en forme de trèfle elle dirige ses petites fleurs roses pour regarder dehors au travers de la porte-fenêtre. Je la vois s’étendre et se multiplier en plein mois de décembre. Je l’observe et la trouve élégante quand dans l’une de ses feuilles graciles je découvre une bouche qui se met à me parler : Tu sais il ne faut pas croire tout ce que les gens racontent, j’aime la littérature.
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Je me trouvais dans un de ces lieux undergrounds particuliers à la musique que j’écoute et que tu affectionnais aussi. C’était d’ailleurs ton sujet de thèse : La dynamique de plasticité du son. Du linge était étendu au milieu de la pièce et dissimulait un canapé de récup’. J’étais là ou était-ce simplement mes yeux pour te voir émerger derrière un drap blanc. Une cigarette roulée, posée sur tes lèvres dessinées de ton sourire caractéristique, ton visage s’est retrouvé en un éclair proche du mien et sans réfléchir je t’ai dit : mais, tu n’es pas mort ?
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Je suis allée au cinéma toute seule. C’est une chose que j’aime faire. Je me suis assise sur la banquette double, celle qui n’a pas d’accoudoir au milieu, celle pour les amoureux. Moi, je n’avais pas d’amoureux. En attendant que le film commence, j’ai sortit mon livre pour en lire quelques pages. Un jeune homme s’est assis juste devant moi, il portait une coupe afro qui me bouchait littéralement la vue. En pensant qu’il aurait pu s’installer à l’arrière de la salle ou s’attacher les cheveux, je les vit brusquement s’animer. Une multitude d’orvets grouillaient devant mes yeux au moment même ou la salle se plongeait dans l’obscurité.
RENCONTRE AU SUPERMARCHÉ (16/12/24)
Elle m’a demandé : Vous savez où se trouvent les plats cuisinés ? J’ai répondu : Non j’ n’en sais rien. Froidement. C’était un jour cassé, j’avais une pluie crasseuse dans mon cerveau depuis le matin, et je n’en sais rien, c’est vrai, ou sont les plats cuisinés. Je traînais mes bords au milieu des conneries de Noël, classées dans des petits casiers blancs par couleur et aux prix défiants toute concurrence ! Je l’ai regardé s’en aller. Elle m’avait déjà oublié.
Elle avait cet air, celui d’un enfant dans le corps d’un adulte. Elle était assez forte et chacun de ses pas marquait le rythme à l’allure lente d’un métronome. Elle portait son handicap dans ses mots et sa façon de se promener dans les rayons. Elle n’avait pas pris de panier, ni de caddie, seulement un sac à main en bandoulière. Elle cherchait des plats cuisinés au milieu des conneries de Noël.
Peut-être qu’elle ne cuisine pas ? Peut-être qu’elle ne peut pas se servir du gaz ? On interdit aux enfants de se servir du gaz. Peut être qu’elle n’a qu’un four à micro-ondes ? Peut-être qu’elle vit seule ? Dans un studio, une chambre ? Peut-être qu’elle vit avec ses parents ? Peut-être qu’ils sont devenus trop vieux pour s’occuper d’elle ? Elle, ses parents, elle n’peut pas s’en occuper.
Est-ce qu’elle habite à côté du supermarché ? Est-ce qu’elle est venue à pied ? En bus ? Est-ce qu’elle a sa carte de bus pour adulte handicapé ?
Est-ce que un homme, une femme lui a déjà relevé ses lunettes, mis sa mèche de cheveu derrière l’oreille, une caresse sur la joue pour lui chuchoter un : Je t’aime ?
Est-ce qu’elle a trouvé le rayon des plats cuisinés ?
Moi ce jour là, j’pouvais pas lui ouvrir les bras. Parfois c’est comme ça.
(12/12/24)
Ce que j’ai
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J’ai à fleur de peau des origines bigarrées et des réminiscences de l’exode des oiseaux.
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J’ai des parents qui ont taillé des fenêtres dans les murs de béton et nous ont donné à voir une prairie aux grandes herbes vertes fleuries de coquelicots. J’y ai assorti mon impertinence.
J’ai des montagnes qui bordent mes rives et des rivières qui me traverse.
·
J’ai des enfants mais ils ne m’appartiennent pas.
J’ai la culpabilité des mères, j’essaie de moins en moins.
·
J’ai des souvenirs que j’arrange à ma perception.
·
J’ai des idées claires, j’ai des idées troubles.
·
J’ai des mains pour en faire quelque chose.
·
J’ai le rire de mon enfance ou nous vivions tous ensemble et où personne n’était mort.
J’ai des tombes à fleurir mais la tienne c’est celle de trop.
J’ai des fragments de verres incrustés dans mes chairs.
·
On croit qu’ ils peuvent tracer des frontières illusoires et tirer des lignes sur des vies en sursis.
On croit qu’ils peuvent étouffer le bruit de nos silences.
On croit que c’est chacun son camp.
On croit que l’arbre qui a poussé dans notre jardin est le nôtre.
On croit que nos enfants ont tort.
On croit que l’on se défini par ses contours.
·
On croit que le mot deuil est un concept d’étapes à suivre.
On croit à l’injonction au bonheur.
.
On croit que le temps libère les déserts noirs soufflés du manque.
On croit que la pierre que l’on porte dans son cœur disparaît mais elle ne disparaît pas, c’est juste que l’on devient plus fort pour la porter.
LE VIDE (09/12/24)
Le vide est pour la fenêtre qui a vu l’oiseau se briser les ailes
Le vide est pour tes mots que tu as condamné au souffle froid de l’arrière saison
Le vide est pour les lames incisives des ombres équivoques et lasses
de ceux qui ne croient plus à la branche qui les supporte
Le vide est pour ceux qui amputés marchent encore
Le vent s’engouffre dans les interstices des existences soulevant le brouillard
d’un no man’s land
d’un vertige
Le vide est pour la substance or-ga-ni-qu’
Le vide est pour le son que personne ne perçoit
sauf
le-chien
alors
le-chien
aboie
Le vi-de est pour faire le plein
Le vi-de est pour
le
silence
chhhhhhhhhuuuuuuuu….
Le vide se mire et ne voit rien
au bout de la ligne
l’attente
Le vide est pour l’écho
Le vide est pour l’inconnue de l’équation du lendemain
du lendemain
du lendemain
len-de-main
Le vide est pour mes deux mains quand elles ne savent pas encore
Le vide est pour l’enfant seul
pour ses mains dans lesquelles se dresse une arme bien trop grande pour lui
Le vide est pour l’enfant dans le camp à la frontière du temps qui passe et jamais ne le libère
Le vide est pour l’enfant dans le camp sans refuge où rien n’se passe
Le vide est pour l’enfant qu’on abandonne aux balles perdues pour des guerres trop vieilles
obsolètes
vide de sens
Le vide est pour ses hommes qui n’auront pas su
faire d’un faisceau de lumière
un soleil.
(16/11/24)
Dans la tension du temps et l’ourlet de mes songes
je m’échappe à contre-poitrine et contre-mort
j’oublie la réalité des oiseaux leur volent en éclat
l’éclat de l’or dans les tempêtes fragiles
les chansons hurlantes et fumantes des gorges coupées
le poison indélicat de sa fugue sous-veineuse
je cherche l’oubli de ton absence indécente
j’imagine le train de mes pensées qui ne cessent de suffoquer
comme la fumée du charbon brûlant les interstices
je ne peux imaginer un hier devenir une nébuleuse outrageante
et s’emparer des yeux qui doivent s’ouvrir
parce que les concepts rampent ventre à terre
en guerrier de la raison s’opposant aux âmes en l’état
à coups de sabre dans l’eau croupie du vivre sans
je ne parlerai de ses SI qui doivent se taire car ils n’ont aucun pouvoir
l’irréversible de ta révérence à la vie a condamné une partie de mon cœur
a une fissure en ultrason
Une vie (15/11/24)
…
elle danse depuis son désir son désir dense
un enfant est accroché à ses pieds
elle étend ses membres derrière sa fenêtre
elle tient la barre le long de ses silences
elle
elle
elle tire à vue et tue sa mère
et tue sa mère
tue sa mère
sa mère
elle danse depuis son trouble rien à foutre
l’enfant se cache et le désir change de camp
et d’autres s’accrochent à son cœur
rien que lui
elles
eux
frappé
frappé double
relevé
petits battements
piqué attitude
elle danse sur le feu au risque de s’y perdre
l’enfant rencontre ses ombres et joue
cap ou pas cap elle assassine l’aube
et du sang coule des yeux de ses racines
elle
elle
elle mord l’innocence du haut de la falaise
et creuse des sillons dans les larmes
elle danse avec les mots de sa saison
et les sons sont métalliques
insomnies
elle n’veut pas parler
le rythme est irrégulier
insomnies
insomnies
(06/11/24)
Elle l’avait nourri intérieurement pendant des années, ce rêve.
Il a fallu qu’ils se séparent et qu’elle change de lieu de vie parce qu’ici, c’était chez lui.
Elle a du quitter ces hautes montagnes qui l’avaient tant nourrie. Cette énergie brute.
Finalement, ce n’était pas de le quitter lui qui était le plus difficile, mais abandonner ces grands espaces, cette nature sauvage, ce glacier, La Meije, qui l’accueillait chaque matin au réveil avec l’odeur du café. Cette masse puissante et inquiétante qui lui avait donné tant de vigueur et empourpré ses pommettes. Elle avait toujours cherché des sensations extrêmes pour se sentir vivante et ces cailloux géants, purs, primitifs lui procuraient cette force de vie. Habiter, évoluer en milieu hostile lui convenait bien.
Elle a du partir et cette fois là, elle ne sut plus rien. LE VIDE.
Il y a six mois, elle a cru déposer ses valises quelque part, trouver LE lieu pour avancer sur un nouveau chemin qu’elle pensait être le sien. Tenter de se construire un peu, aller vers elle. Et bien pas du tout, il lui fallait reprendre sa vie à la base, sauf que là, elle était complètement perdue.
Habituellement, face aux épreuves elle savait rebondir assez vite, mais cette fois là, elle ne sut plus rien. LE VIDE.
Et puis, des semaines se sont écoulées depuis son départ du village qu’elle avait laissé enseveli sous la neige. Aujourd’hui ce qu’elle sait c’est qu’elle ne chaussera plus ses boots de snow pour descendre l’échelle de bois et franchir le seuil de sa tanière. Elle ne s’enfoncera plus jusqu’aux genoux pour déblayer un passage vers la connaissance d’elle même. Elle n’ira plus se promener accompagnée du chien blanc vers ce hameau que l’on ne rejoint qu’à pied et qu’on habite seulement en été au cœur de vallée surplombant la rivière d’un bleu glacé. Elle ne fera plus la vaisselle à l’eau froide ni de gratins de pommes de terre avec la tomme à l’ail du vieux paysan qu’elle laissera cuire pendant plus d’une heure pour qu’il soit fondant. Elle ne laissera plus la batterie de sa voiture se décharger car elle a oublié d’éteindre ses phares en remontant de la ville parce qu’il faut les allumer au fil des tunnels à traverser. Pour le reste, elle n’en sait toujours rien.
Elle est née en automne, mais le mois de décembre s’apparente plus à l’hiver et attache son cœur au vent du Nord. Celui qui souffle au creux de l’oreille comme au sommet des glaciers, celui qui pousse à prendre le large. Aujourd’hui qui est-elle ? Que veut-elle ? Elle doit gratter sous les couches de peur, de désillusion, de tristesse, d’errance, comme gratter une croûte de sel pour atteindre l’eau, pour atteindre un quelconque désir. Elle doit récurer, cureter, décaper pour toucher le fond de son cœur et le sonder avec authenticité.
Voilà un moment que ses amis de la Drôme lui proposent de venir passer quelques jours chez eux, pour se poser, échanger, prendre le temps, s’extirper de ce marasme.
Chez eux, c’est un lieu onirique, emprunt de nature et d’horizon. Le hameau s’appelle « Les Andrivets » mais elle se plaît à l’appeler « Les enivrants », c’est l’effet que ça lui fait.
Elle se décide enfin à les rejoindre, c’est doux et peu à peu le chemin vers son cœur se libère.
Et c’est ici, sur leur terrasse, qu’elle le retrouva, son rêve. Elle l’avait bien enfoui, enterrer même. Certainement par peur, par manque de confiance, d’assurance, de croyance en elle. Jusque là elle se pensait comme une touriste de la vie, les mains dans les poches, en balade. Mais ce jour,
elle se décida à le réaliser, ce rêve. Alors, le vent du Nord souffla à nouveau à ses oreilles.
02/05/24
L’autoroute était longue et silencieuse. Elle faisait défiler les paysages au travers des fenêtres du camion. Une succession de diapositives déjà vieillies, déjà usées par le temps. Le temps, elle le comprimait, elle ‘étirait, elle en faisait une notion impalpable, irrationnelle, une sorte de gouffre vers lequel elle nous dirigeait, de toute façon, nous n’avions pas le choix. Elle s’accordait avec le bruit sourd du moteur, continu, inexorable, elle était la musique lancinante de notre douleur intime et profonde, destination Nantes, destination Nantes. Elle enveloppait desa langue rugueuse et noire nos corps liquides. Liquide qu’elle répandait le long des péages, le long des aires d’autoroutes, des pauses cafés, des pauses pipi, des mentos dans la boîte à gants, des cigarettes à répétition, le long des kilomètres, le long des kilomètres. Elle était un amas de molécules, nous étions un amas de molécules, nous nous confondions sur la même diagonale tranchante. Nous conduisions tour à tour. Je la regardais, ma tante, sous ses tâches de rousseur, tenir le volant, tenir l’objectif prégnant, ses yeux couleur noisette, légèrement enfoncés, éprouvés, fixer cette route, interminable. Je la regardais, ses cheveux blancs, épais, un peu rebelles, je la trouvais belle. Un petit bout de femme. Elle contrôlait ses larmes, elle bridait son cœur, son cœur ouvert à coup de pierre. Je la regardais et mes yeux se mouillaient discrètement. Je tournais la tête. Dans ma tête, c’était le chaos. Des pensées anarchiques. Des pensées qui comprimaient la cage thoracique. Des pensées que l’on ne dit pas. Nous parlions mais de tout autre chose. Huit cent kilomètres c’est long. A vrai dire, je ne me souviens plus de quoi nous avons parlé. Mes souvenirs sont diffus, confus. Quoi qu’il en soit, nous ne parlions pas de lui, de son acte, ça, on ne pouvait pas, pas maintenant. Nos mots étaient étranglés dans nos gorges. Mais cette question je lui ai posé. Celle que l’on redoutait. Celle que l’équipe de réa allait finir par lui poser. Je lui ai demandé. Je lui ai demandé qu’elle serait sa décision. Elle m’a dit qu’elle ne e laisserait pas être un légume, elle le laisserait partir.
Son fils.
Je n’ai rien dit.
L’accord était tacite.
07/05/24
Les yeux
–
Ne t’en fais pas.
Je laisserai le soleil se lever sous tes paupières embrumées de rêves, je laisserai tes yeux colorer d’éclats d’or le chemin qui se dessine à la danse de tes cils encore fragile, ne t’en fais pas.
Les vents souffleront encore sur les charbons ardents de mon regard où, tu pourras dans l’éternel y voir une main caressante, une oasis dans la nuit.
Tu vois.
Il reste des colères à apprivoiser, il reste des langages à accorder, il reste des soifs à apaiser.
Alors pourras-tu m’ouvrir encore l’arcane de tes yeux et pourrons-nous toujours les fleurir ensemble ?
–
A ma fille.
22/05/24
Cela ne te quitte plus.
Ça vient de la bascule du poing tant il est serré il n’y aura pas de retour en arrière.
Ça vient du choc de la violence, tant elle est vivante elle grouille à l’intérieur comme des vers.
Ça prend sa place sans l’avoir demandé, ça adhère aux parois jusqu’à les étouffer, ça comprime les viscères vont-elles exploser ?
C’est un flux de pensées qui surplombe un flux de pensées qui le plombe.
Ça prend une direction et puis la perd.
Ça prend des mots et puis les perd.
Des mots sans direction.
Des mots sans mots.
Ça prend le cœur et puis le troue.
Ça prend le ventre et puis le troue.
On peut passer sa main au travers.
Ça prend le corps et devient liquide.
Ça se répand comme une fièvre.
Une fièvre qui lèche de sa langue arachnoïde la peau, la tête et les os, le cerveau, les organes et les vers.
Quand je m'allongerai nue
la peau perlée de frissons ardents
à tes côtés mon vaisseau
ne le vois-tu pas dans mes yeux
Ne penses pas que je serai que chair
glaise à modeler à ta guise
Ne penses pas que le lys humide
que j'offrirai à ta bouche
soit condamné au coït archaïque
Quand je serai volupté fragile
sous l'ambre de tes mains
à tes côtés mon île
ne le vois-tu pas dans mes yeux
Ne penses pas que j'abandonnerai
le flamme qui me colore
où le vent que je chevauche
Réinventons-nous mon amour
quittons l'antique théâtre
aliénant du patriarcat
déployons à âmes égales
à la lumière de la nuit
nos ailes d’Éros et de Psyché.
- - -
Quand tu me verras porter ma liberté
Une robe légère, fardée de pourpre
Ne cois pas que je cherche à te plaire
Quand tu me verras seule, la nuit
Marcher dans la rue
Ne crois pas que j'ai besoin de toi
C'est pour moi-même que j'existe
Arrêtes ! ne me dis pas que j'aguiche !
Arrêtes ! Ne sois pas si lubrique !
De la pudeur si tu en as
De l'égard, de l'altérité
Laisse moi juste être une femme.
---
Sais-tu que l'on peut mourir en été ?
Août
Comment pourrai-je ?
Août
Tu as montré la noirceur des jours ensoleillés
Août
Tu as pris avec toi tous les mots
Août
J'ai vu
Les heures
Les heures ouvrir la terre
Les heures ouvrir la terre et engloutir
Les heures ouvrir la terre et engloutir nos cœurs
Août
Tu cheminais nos pas aux Adieux
Nos pas aux adieux
Nous avions peur de dormir
Nous dormions
Nous nous réveillions
La nuit
Un café
Une cigarette
La pluie
La nuit
Août
Août
Tu cheminais nos pas aux Adieux
Nos pas aux adieux
Je te raconterai l'homme à l’esprit brut
Je te raconterai l'homme fragile
Je te raconterai que nous voyions sa lumière quand lui ne voyait plus que l'obscurité
Août
Je te raconterai que je l'attends
Je l'attends
Je l'attends
Sais-tu que le silence est un bruit aux mille échos ?
Sais-tu que le silence entre les notes est la musique ?
Août
Un jour, il viendra dans mes rêves
Nous traverserons l'océan à bord de pirogues aux voiles bleues
Je remonterai de la rouille, son cœur dans mon filet
Août
Nous nagerons avec les poulpes et septembre finira par arriver
- - -
La solitude
Elle est un interstice entre la montagne et les nuages
à l'aube
un instant avant que le soleil paraisse
elle s'élève délicate élégance à la clarté
Elle monte en pluie douce et cristalline
les pieds nus sur l'asphalte un soir d'été
une danse avec l'archange
immaculée
Elle monte sur la marée haute
source sourde s'offrant à la nuit
elle naît des vastes plaines dans le lointain
accrochée aux vents
Elle encre le cœur des ténèbres
fragiles de l'âme
où elle se blesse parfois
elle heurte la pudeur au vacarme
suspendue à l'éther
Elle est compagne de l'absence
Elle est le chant du silence
- - -
La vie inlassablement
La vie inlassablement
La vie inlassablement
Violente
Violente
Violente
La vie intrinsèquement
intrinsèquement
intrinsèquement
Éblouit
Élève
Éblouit
Élève
- - -
Toi tu te terres en psychoses ordinaires
tu te terres dans la conscience de ton silence
tu ne sais revêtir une autre peau
quand la tienne est trop étriquée
Toi tu t'échines à te courber, lasse
tu te résignes à t'offenser, seulement
tu ne sais heurter ton état
par la violence indicible du mien
Toi tu te terres en psychoses ordinaires
tu te terres dans la conscience de ton silence
tu t'absous de ton absence
dans la coquille tapie de tes peurs
Peux-tu seulement tenir ma main
Regardes je tiens debout
Ce drame c'est le mien
Peux-tu seulement tenir ma main
Que des mots sortent de ta bouche
Regardes je vis si fort
Peux-tu seulement tenir ma main
- - -
Mes vingt ans se sont endormis
brûlants les étés
défiants les hivers
leurs longues jambes
passant le passé
passager du vent
passé sur nos pas
passé sur nos pas
Tu as choisi de mourir
emportant avec toi
les plus beaux oiseaux
tu as choisi de mourir
emportant avec toi
une partie de moi
une partie de moi
Le cœur froid de la nuit
brûle encore des espoirs avortés
je m'enfonce dans sa chair
là où le manque n'est jamais exaucé
jamais exaucé
Le cœur froid de la nuit
me fait la promesse du jour
et les mains glacées de l'aube
caressent la torpeur de mon cœur
la torpeur de mon cœur
- - -
J'ai vu ton silence s'inscrire sur les murs
Il ruisselait
Salement
J'ai vu ton silence se confondre en silence
Partout où je suffoquais
Je le voyais
Lancinant
Prégnant
Il suintait de tes yeux, de ta bouche, de tes mains
Il suintait de tes pores, de tes orifices
Nausée
J'ai vu la vérité se tordre
Expiée
J'ai vu la vérité se contorsionner
Ramper
Médusée sur le sol
Infiltrer toutes les particules de l'air
Tous les interstices de mon corps
Je l'ai vue
- - -
Nous étions prêtes à partir
Nous étions prêtes à partir.
Habillées de nos blessures insolentes.
Nous étions prêtes à partir.
La voiture était chargée.
Le tout sur un matelas deux places.
Il servirait si une rivière nous invitait à rester, un peu, quelque part.
Finalement, le matelas changea d'état.
Il ne fût que support de bouts de vies morcelées, fourrées dans nos sacs.
La lumière blanche.
Le ciel calme.
Nous étions prêtes à partir.
Nous devions, avant, nous arrêter chez Rémi.
Isa devait lui retirer ses points de suture trop longtemps encrés sur son crâne.
La peau commençait déjà à les recouvrir.
La nature reprend le dessus.
Garder la mémoire.
Mettre un point final.
Nous étions garées, en bas de chez Rémi.
J'avais bien entendu le son d'un message sur mon téléphone.
Ma cousine Cécile.
"Guillaume a fait une TS"
La rue appelle le silence.
Guillaume.
Mon sang baigne dans ta douleur.
Mon sang baigne dans ton sang.
Les racines de mon enfance se noient aux tiennes, s'agrippent à mes artères,
hématomes.
Cousin frère ami, c'est égal.
Plus rien n'existe.
La rue appelle le silence.
Mes doigts raides.
Asphyxie.
Mes jambes lâches.
Asphyxie.
Ma gorge étau.
Asphyxie.
La rue manque d'oxygène.
Nous étions prêtes à partir
- - -
Pour dire un mot de travers faut-il en dire assez pour qu'ils s'entrechoquent,
trébuchent, et prennent la place d'un autre.
Si je me tais,
c'est qu je pense.
Je
pèse
mes
mots.
Ils ont le poids d'une plume,
ils se font murmure.
Il te suffit d'écouter.
Je
pèse
mes
mots.
Ils ont le poids du plomb et te laissent sans voix.
Sans voie d'accès
- - -
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
Un verre de vin, une cigarette, un verre de vin, une cigarette
Brûler mes yeux à retenir mes larmes
Étrangler mon cœur à contenir ma douleur
Dévisser ma tête
Tant de questions pendues
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
Un verre de vin, une cigarette, un verre de vin, une cigarette
Les enfants dorment
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
- - -
J'ai laissé filtrer la lumière
D'écho en écho
J'ai fini par me taire
J'ai tissé des espoirs
J'ai brulé tous les cierges
J'ai prié les saintes qui n'ont rien su faire
Et je couds ma bouche avec les artères de mon cœur S'il suffisait de partir J'ai laissé la lumière allumée pour une nuit bien trop longue Priais-tu seulement pour que je t'aime? Le bruit dans ma tête métallique, rouillé, je te le rends L'agitation vaine L'accord de nos ancestrales tristesses échoue au fond des chiottes On sous-estime la profondeur de nos ténèbres et la sagesse de nos silences L'alchimie si fragile se brise sur les espoirs violentés Je jette tes mots au feu Je jette tes mots au feu S'il suffisait de rester planquée dans cette chambre solitaire Je couds ma bouche avec les artères de mon cœur Le parfum de la tourmente se tait Les larmes coulent le long des veines Par-delà le ressac et les nues vaporeuses L'âme empourprée je n'attends plus Tu as lâché ma main il y a si longtemps Tu as oublié la couleur de l'aube Je jette tes mots au feu Je jette tes mots au feu
Encore un peu Encore un peu de ce mal qui consume le tréfonds des chairs qui expire le doute, arrime les volontaires Encore un peu de ce charme qui dessine la passagère de ce roc abrupt Encore un peu de mélancolie au sein des bannières d'une folie douce, déraillant solitaire Encore un peu de fantasmes pour le café du matin de patience pour l'ivresse de demain Encore un peu de poésie dans les arrières cours Encore un peu de rêves éthérés, de draps froissés, d'insomnie Encore un peu de grâce au fond de l'abîme de mots déliés à la chaleur de l'âtre Encore un peu de ce chant lancinant celui qui habite, épargne, indulgent Encore un peu de désinvolture celle qui acquitte les âmes
Que garderas-tu? La route délie tes pas et tu te laisses saisir par le hasard Demain ne prolonge rien Hier éprouve l'incandescence Hier nourrit le silence Que garderas-tu ? Le spectre de l'aube et le froid de novembre Une chambre, une cigarette L'Est se lève évanescent La nuit s'évapore encore brûlante d'un chant sans dissonance Que garderas-tu ? La brume pose son voile et laisse choir le plomb dans les sables mouvants Le vent du Nord souffle à nouveau
Istambul Le chant du muezzin résonne Un halo se répand en bas de l'hôtel Ma mélancolie se fractionne et voudrait se faire hirondelle A l'Est du Bosphore Mon cœur brûle dans les hautes lumières Je frissonne si proche de l'aurore Et l'heure bleue se fait sanctuaire Tapis de soie, la nuit vole en éclats Je prends ta main petite Alice Au gré des rues jusqu'à Galata Nous goûterons avec délice à l'orient, la vie de Bohème Tu danseras sur ce chant profond et mes hématomes deviendront blêmes
Allez viens Allez viens ma vieille amie allongeons nous sous cette grâce ineffable laissons défiler au ralenti le négatif du carcan de la mémoire Plans fixes, Temps fixes Le carrelage de la cuisine est si froid Une hostilité habile s'installe l'implosion semble proche la déchirure moribonde le cri étouffé Tu es en substance la seule connue de mon équation au sein des entrailles par de là les monstres de la raison Saurons nous accueillir le songe et en libérer le repos ? Compagne de l’absence seras-tu le chant de mon silence ?
Amour perdu Les méandres teignent le miroir enfouissent les reflets à trop vouloir y voir ce que nous sommes ou pas assez cherchant la panacée le temps à en devenir fou D'amour éperdu en amour perdu en amour perdu Les racines étouffent l'éther le mal de l'enfance donne un goût amer à la volupté de nos corps à l'accord majeur de nos peurs Alors la raison se perd et le mal s'opère les mots en pure perte se cristallisent inertes D'esquisses en sacrifices de palabres en coups de sabres de nausées en insomnies il ne reste que de l'amour éperdu, un amour perdu un amour perdu
Où est mon armure ? Où est mon armure ? Je l'avais posée là, tout près sur le bord de la route. Celle qui t'embarque un pas après l'autre, parfois te cueille ou te fait valser. J'ai couru un peu, pus légère. Je me suis éloignée de la horde d'arbres, j'ai traversé un champ de tournesols et cette brèche dans le ciel m'a inspiré une douce ivresse. Je me suis assise sur un gros caillou, j'ai allumé une cigarette. Et bim ? Voilà que ça t'explose à la gueule. Voilà que tu te consumes de l’intérieur. Aucune immunité. Oh tu sais je cheminais doucement, sans précipitation. Je ne fuyais rien, je me délestais, je me délassais. Je quittai la raison pour le rêve. Finalement je vais rebrousser chemin. Je regarderai s'enrouler les vagues, le son sera étouffé, les arcanes gardés et les trésors enfouis. Je changerai de coquille tel le pagure. J'oublierai, je me cacherai les yeux pour faire semblant de ne pas voir. Je sublimerai mon âme plus que mon amertume. Et je garderai au fond le chant des oiseaux pour que ton violon cesse.