Textes

Et je couds ma bouche avec les artères de mon cœur

S'il suffisait de partir
J'ai laissé la lumière allumée pour une nuit bien trop longue
Priais-tu seulement pour que je t'aime?
Le bruit dans ma tête métallique, rouillé, je te le rends
L'agitation vaine
L'accord de nos ancestrales tristesses échoue au fond des chiottes
On sous-estime la profondeur de nos ténèbres et la sagesse de nos silences
L'alchimie si fragile se brise sur les espoirs violentés
Je jette tes mots au feu
Je jette tes mots au feu
S'il suffisait de rester planquée dans cette chambre solitaire
Je couds ma bouche avec les artères de mon cœur
Le parfum de la tourmente se tait
Les larmes coulent le long des veines
Par-delà le ressac et les nues vaporeuses
L'âme empourprée je n'attends plus
Tu as lâché ma main il y a si longtemps
Tu as oublié la couleur de l'aube 
Je jette tes mots au feu
Je jette tes mots au feu

Encore un peu

Encore un peu de ce mal qui consume le tréfonds des chairs
qui expire le doute, arrime les volontaires
Encore un peu de ce charme qui dessine la passagère
de ce roc abrupt

Encore un peu de mélancolie au sein des bannières
d'une folie douce, déraillant solitaire
Encore un peu de fantasmes pour le café du matin
de patience pour l'ivresse de demain

Encore un peu de poésie dans les arrières cours
Encore un peu de rêves éthérés, de draps froissés, d'insomnie
Encore un peu de grâce au fond de l'abîme
de mots déliés à la chaleur de l'âtre

Encore un peu de ce chant lancinant
celui qui habite, épargne, indulgent
Encore un peu de désinvolture
celle qui acquitte les âmes

Que garderas-tu ?

La route délie tes pas 
et tu te laisses saisir par le hasard
Demain ne prolonge rien
Hier éprouve l'incandescence
Hier nourrit le silence

Que garderas-tu ?

Le spectre de l'aube et le froid de novembre
Une chambre, une cigarette
L'Est se lève évanescent
La nuit s'évapore
encore brûlante d'un chant sans dissonance

Que garderas-tu ?

La brume pose son voile
et laisse choir le plomb dans les sables mouvants
Le vent du Nord souffle à nouveau

Istambul

Istambul
Le chant du muezzin résonne
Un halo se répand en bas de l'hôtel
Ma mélancolie se fractionne
et voudrait se faire hirondelle
A l'Est du Bosphore
Mon cœur brûle dans les hautes lumières
Je frissonne si proche de l'aurore
Et l'heure bleue se fait sanctuaire

Tapis de soie, la nuit vole en éclats
Je prends ta main petite Alice
Au gré des rues jusqu'à Galata
Nous goûterons avec délice
à l'orient, la vie de Bohème
Tu danseras sur ce chant profond
et mes hématomes deviendront blêmes

Allez viens

Allez viens ma vieille amie
allongeons nous sous cette grâce ineffable
laissons défiler au ralenti
le négatif du carcan de la mémoire
Plans fixes, Temps fixes

Le carrelage de la cuisine est si froid
Une hostilité habile s'installe
l'implosion semble proche
la déchirure moribonde
le cri étouffé

Tu es en substance la seule connue de mon équation
au sein des entrailles
par de là les monstres de la raison
Saurons nous accueillir le songe 
et en libérer le repos ?
Compagne de l’absence
seras-tu le chant de mon silence ? 

Amour perdu

Les méandres teignent le miroir
enfouissent les reflets à trop vouloir y voir
ce que nous sommes ou pas assez
cherchant la panacée
le temps à en devenir fou

D'amour éperdu en amour perdu
en amour perdu

Les racines étouffent l'éther
le mal de l'enfance donne un goût amer
à la volupté de nos corps
à l'accord majeur de nos peurs

Alors la raison se perd 
et le mal s'opère
les mots en pure perte
se cristallisent inertes

D'esquisses en sacrifices
de palabres en coups de sabres
de nausées en insomnies
il ne reste que 

de l'amour éperdu, un amour perdu
un amour perdu

Où est mon armure ?

Où est mon armure ? Je l’avais posée là, tout près sur le bord de la route. Celle qui t’embarque un pas après l’autre, parfois te cueille ou te fait valser. J’ai couru un peu, pus légère. Je me suis éloignée de la horde d’arbres, j’ai traversé un champ de tournesols et cette brèche dans le ciel m’a inspiré une douce ivresse. Je me suis assise sur un gros caillou, j’ai allumé une cigarette. Et bim ? Voilà que ça t’explose à la gueule. Voilà que tu te consumes de l’intérieur. Aucune immunité. Oh tu sais je cheminais doucement, sans précipitation. Je ne fuyais rien, je me délestais, je me délassais. Je quittai la raison pour le rêve. Finalement je vais rebrousser chemin. Je regarderai s’enrouler les vagues, le son sera étouffé, les arcanes gardés et les trésors enfouis. Je changerai de coquille tel le pagure. J’oublierai, je me cacherai les yeux pour faire semblant de ne pas voir. Je sublimerai mon âme plus que mon amertume. Et je garderai au fond le chant des oiseaux pour que ton violon cesse.