Sais-tu que l'on peut mourir en été ?

Août
Comment pourrai-je ?

Août
Tu as montré la noirceur des jours ensoleillés


Août
Tu as pris avec toi tous les mots

Août
J'ai vu
Les heures
Les heures ouvrir la terre
Les heures ouvrir la terre et engloutir
Les heures ouvrir la terre et engloutir nos cœurs

Août
Tu cheminais nos pas aux Adieux
Nos pas aux adieux

Nous avions peur de dormir
Nous dormions
Nous nous réveillions
La nuit
Un café
Une cigarette
La pluie
La nuit
Août

Août
Tu cheminais nos pas aux Adieux
Nos pas aux adieux

Je te raconterai l'homme à l’esprit brut
Je te raconterai l'homme fragile
Je te raconterai que nous voyions sa lumière quand lui ne voyait plus que l'obscurité

Août
Je te raconterai que je l'attends
Je l'attends
Je l'attends

Sais-tu que le silence est un bruit aux mille échos ?
Sais-tu que le silence entre les notes est la musique ?

Août
Un jour, il viendra dans mes rêves
Nous traverserons l'océan à bord de pirogues aux voiles bleues
Je remonterai de la rouille, son cœur dans mon filet

Août
Nous nagerons avec les poulpes et septembre finira par arriver


La solitude

Elle est un interstice entre la montagne et les nuages
à l'aube
un instant avant que le soleil paraisse
elle s'élève délicate élégance à la clarté

Elle monte en pluie douce et cristalline
les pieds nus sur l'asphalte un soir d'été
une danse avec l'archange
immaculée

Elle monte sur la marée haute
source sourde s'offrant à la nuit
elle naît des vastes plaines dans le lointain
accrochée aux vents

Elle encre le cœur des ténèbres
fragiles de l'âme
où elle se blesse parfois
elle heurte la pudeur au vacarme
suspendue à l'éther

Elle est compagne de l'absence

Elle est le chant du silence


La vie                                        inlassablement
La vie inlassablement
La vie inlassablement

Violente
Violente
Violente

La vie intrinsèquement
intrinsèquement
intrinsèquement

Éblouit

Élève

Éblouit

Élève


- - -
Toi tu te terres en psychoses ordinaires
tu te terres dans la conscience de ton silence
tu ne sais revêtir une autre peau
quand la tienne est trop étriquée

Toi tu t'échines à te courber, lasse
tu te résignes à t'offenser, seulement
tu ne sais heurter ton état
par la violence indicible du mien

Toi tu te terres en psychoses ordinaires
tu te terres dans la conscience de ton silence
tu t'absous de ton absence
dans la coquille tapie de tes peurs

Peux-tu seulement tenir ma main
Regardes je tiens debout
Ce drame c'est le mien
Peux-tu seulement tenir ma main
Que des mots sortent de ta bouche
Regardes je vis si fort
Peux-tu seulement tenir ma main


- - -
Mes vingt ans se sont endormis
brûlants les étés
défiants les hivers
leurs longues jambes
passant le passé
passager du vent
passé sur nos pas
passé sur nos pas

Tu as choisi de mourir
emportant avec toi
les plus beaux oiseaux
tu as choisi de mourir
emportant avec toi
une partie de moi
une partie de moi

Le cœur froid de la nuit
brûle encore des espoirs avortés
je m'enfonce dans sa chair
là où le manque n'est jamais exaucé
jamais exaucé

Le cœur froid de la nuit
me fait la promesse du jour
et les mains glacées de l'aube
caressent la torpeur de mon cœur
la torpeur de mon cœur

(la nuit glissait - passage du temps et des images-)



- - -
J'ai vu ton silence s'inscrire sur les murs
Il ruisselait

Salement

J'ai vu ton silence se confondre en silence
Partout où je suffoquais
Je le voyais
Lancinant
Prégnant

Il suintait de tes yeux, de ta bouche, de tes mains
Il suintait de tes pores, de tes orifices

Nausée

J'ai vu la vérité se tordre
Expiée
J'ai vu la vérité se contorsionner
Ramper
Médusée sur le sol
Infiltrer toutes les particules de l'air
Tous les interstices de mon corps

Je l'ai vue

(les points de force éternels)

- - -

(le geste)
Nous étions prêtes à partir

Nous étions prêtes à partir.

Habillées de nos blessures insolentes.
Nous étions prêtes à partir.

La voiture était chargée.
Le tout sur un matelas deux places.
Il servirait si une rivière nous invitait à rester, un peu, quelque part.
Finalement, le matelas changea d'état.
Il ne fût que support de bouts de vies morcelées, fourrées dans nos sacs.

La lumière blanche.
Le ciel calme.

Nous étions prêtes à partir.

Nous devions, avant, nous arrêter chez Rémi.
Isa devait lui retirer ses points de suture trop longtemps encrés sur son crâne.
La peau commençait déjà à les recouvrir.

La nature reprend le dessus.
Garder la mémoire.
Mettre un point final.

Nous étions garées, en bas de chez Rémi.
J'avais bien entendu le son d'un message sur mon téléphone.
Ma cousine Cécile.

"Guillaume a fait une TS"

La rue appelle le silence.

Guillaume.

Mon sang baigne dans ta douleur.
Mon sang baigne dans ton sang.
Les racines de mon enfance se noient aux tiennes, s'agrippent à mes artères,
hématomes.
Cousin frère ami, c'est égal.

Plus rien n'existe.

La rue appelle le silence.

Mes doigts raides.
Asphyxie.
Mes jambes lâches.
Asphyxie.
Ma gorge étau.
Asphyxie.

La rue manque d'oxygène.

Nous étions prêtes à partir.

(le point de bascule - les nœuds dans le texte)

- - -
Pour dire un mot de travers faut-il en dire assez pour qu'ils s'entrechoquent, 
trébuchent, et prennent la place d'un autre.
Si je me tais,
c'est qu je pense.
Je
pèse
mes
mots.
Ils ont le poids d'une plume,
ils se font murmure.
Il te suffit d'écouter.
Je 
pèse
mes
mots.
Ils ont le poids du plomb et te laissent sans voix.
Sans voie d'accès.
- - -
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
Un verre de vin, une cigarette, un verre de vin, une cigarette
Brûler mes yeux à retenir mes larmes
Étrangler mon cœur à contenir ma douleur
Dévisser ma tête
Tant de questions pendues
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
Un verre de vin, une cigarette, un verre de vin, une cigarette

Les enfants dorment
Je pourrai passer des heures assise sur cette chaise
- - -
J'ai laissé filtrer la lumière
D'écho en écho
J'ai fini par me taire
J'ai tissé des espoirs
J'ai brulé tous les cierges
J'ai prié les saintes qui n'ont rien su faire
Et je couds ma bouche avec les artères de mon cœur
S'il suffisait de partir
J'ai laissé la lumière allumée pour une nuit bien trop longue
Priais-tu seulement pour que je t'aime?
Le bruit dans ma tête métallique, rouillé, je te le rends
L'agitation vaine
L'accord de nos ancestrales tristesses échoue au fond des chiottes
On sous-estime la profondeur de nos ténèbres et la sagesse de nos silences
L'alchimie si fragile se brise sur les espoirs violentés
Je jette tes mots au feu
Je jette tes mots au feu
S'il suffisait de rester planquée dans cette chambre solitaire
Je couds ma bouche avec les artères de mon cœur
Le parfum de la tourmente se tait
Les larmes coulent le long des veines
Par-delà le ressac et les nues vaporeuses
L'âme empourprée je n'attends plus
Tu as lâché ma main il y a si longtemps
Tu as oublié la couleur de l'aube 
Je jette tes mots au feu
Je jette tes mots au feu
Encore un peu
Encore un peu de ce mal qui consume le tréfonds des chairs
qui expire le doute, arrime les volontaires
Encore un peu de ce charme qui dessine la passagère
de ce roc abrupt
Encore un peu de mélancolie au sein des bannières
d'une folie douce, déraillant solitaire
Encore un peu de fantasmes pour le café du matin
de patience pour l'ivresse de demain
Encore un peu de poésie dans les arrières cours
Encore un peu de rêves éthérés, de draps froissés, d'insomnie
Encore un peu de grâce au fond de l'abîme
de mots déliés à la chaleur de l'âtre
Encore un peu de ce chant lancinant
celui qui habite, épargne, indulgent
Encore un peu de désinvolture
celle qui acquitte les âmes
Que garderas-tu?
La route délie tes pas 
et tu te laisses saisir par le hasard
Demain ne prolonge rien
Hier éprouve l'incandescence
Hier nourrit le silence
Que garderas-tu ?
Le spectre de l'aube et le froid de novembre
Une chambre, une cigarette
L'Est se lève évanescent
La nuit s'évapore
encore brûlante d'un chant sans dissonance
Que garderas-tu ?
La brume pose son voile
et laisse choir le plomb dans les sables mouvants
Le vent du Nord souffle à nouveau
Istambul
Le chant du muezzin résonne
Un halo se répand en bas de l'hôtel
Ma mélancolie se fractionne
et voudrait se faire hirondelle
A l'Est du Bosphore
Mon cœur brûle dans les hautes lumières
Je frissonne si proche de l'aurore
Et l'heure bleue se fait sanctuaire
Tapis de soie, la nuit vole en éclats
Je prends ta main petite Alice
Au gré des rues jusqu'à Galata
Nous goûterons avec délice
à l'orient, la vie de Bohème
Tu danseras sur ce chant profond
et mes hématomes deviendront blêmes
Allez viens
Allez viens ma vieille amie
allongeons nous sous cette grâce ineffable
laissons défiler au ralenti
le négatif du carcan de la mémoire
Plans fixes, Temps fixes
Le carrelage de la cuisine est si froid
Une hostilité habile s'installe
l'implosion semble proche
la déchirure moribonde
le cri étouffé
Tu es en substance la seule connue de mon équation
au sein des entrailles
par de là les monstres de la raison
Saurons nous accueillir le songe 
et en libérer le repos ?
Compagne de l’absence
seras-tu le chant de mon silence ? 
Amour perdu
Les méandres teignent le miroir
enfouissent les reflets à trop vouloir y voir
ce que nous sommes ou pas assez
cherchant la panacée
le temps à en devenir fou
D'amour éperdu en amour perdu
en amour perdu
Les racines étouffent l'éther
le mal de l'enfance donne un goût amer
à la volupté de nos corps
à l'accord majeur de nos peurs
Alors la raison se perd 
et le mal s'opère
les mots en pure perte
se cristallisent inertes
D'esquisses en sacrifices
de palabres en coups de sabres
de nausées en insomnies
il ne reste que 
de l'amour éperdu, un amour perdu
un amour perdu
Où est mon armure ?
Où est mon armure ? Je l'avais posée là, tout près sur le bord de la route. Celle qui t'embarque un pas après l'autre, parfois te cueille ou te fait valser. J'ai couru un peu, pus légère. Je me suis éloignée de la horde d'arbres, j'ai traversé un champ de tournesols et cette brèche dans le ciel m'a inspiré une douce ivresse. Je me suis assise sur un gros caillou, j'ai allumé une cigarette. Et bim ? Voilà que ça t'explose à la gueule. Voilà que tu te consumes de l’intérieur. Aucune immunité. Oh tu sais je cheminais doucement, sans précipitation. Je ne fuyais rien, je me délestais, je me délassais. Je quittai la raison pour le rêve. Finalement je vais rebrousser chemin. Je regarderai s'enrouler les vagues, le son sera étouffé, les arcanes gardés et les trésors enfouis. Je changerai de coquille tel le pagure. J'oublierai, je me cacherai les yeux pour faire semblant de ne pas voir. Je sublimerai mon âme plus que mon amertume. Et je garderai au fond le chant des oiseaux pour que ton violon cesse.
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